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Hotel Paradisio vous emmène à Hollymoon pour son premier album

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Il y a quelques semaines, nous vous présentions le clip de « Chronos », premier extrait de l’album Hollymoon d’Hotel Paradisio. Après plusieurs EP depuis 2017, l’artiste livre cette année son premier album, une vraie bouffée d’air frais dans un univers unique. L’année avait évidemment bien commencé pour lui puisque vous avez été nombreux à le découvrir grâce au titre « Yakuza », présent sur notre mixtape Le chant des oiseaux, parue en mars 2020. Pour fêter le sortie d’Hollymoon, nous avons décidé de proposer une interview à Hotel Paradisio pour en savoir plus sur cette mystérieuse planète… Avant toute chose, voici le clip de « Déclassé », sorti en même temps que le projet.

Raplume : Presque deux ans après ton précédent projet, on se retrouve pour ton premier album. Qu’est-ce qui s’est passé pour toi pendant ce temps ?

Hotel Paradisio : C’est lourd qu’on se retrouve encore pour un parler d’un autre projet. Entre temps, j’ai fait pas mal de sons. J’ai progressé dans ma manière de travailler, et je suis fier de vous présenter mon premier album, Hollymoon.

R. : Dès l’intro, on comprend que le voyage va faire partie des thèmes principaux du projet. C’était voulu ou ça s’est fait au fur et à mesure ?

HP : Ça c’est fait au fur et à mesure. Dans mes sons, j’essaie toujours d’apporter une rêverie. Hollymoon, c’est le rêve hollywoodien pour un mec dans la lune. C’est un voyage vers ma planète et celle de la personne qui m’écoute. Je trouvais ça fort de symboliser ça par un voyage vers une lune.

Tu as entièrement produit les tracks du projet toi-même. C’est car tu sais exactement ce que tu veux ?

J’ai produit toutes les tracks sauf « Déclassé », produite par Coldwvterz, un producteur avec qui je collabore en ce moment. Vous verrez souvent son nom revenir, je pense. Pour ce projet, je voulais me lancer un défi en essayant de tout produire, je voulais qu’il y est une signature unique. Après, il y a aussi le fait que je n’aime pas dépendre des gens et que j’aime beaucoup faire des prods.

Le premier extrait, « Chronos », faisait évidemment référence au temps mais c’est également quelque chose qu’on retrouve dans d’autres morceaux, notamment « Forever ». Comment tu l’expliques ?

Le temps est un thème qui me fascine. C’est la fuite du temps qui nous pousse à vouloir passer des bons moments. « Chronos », c’est un morceaux teinté de nostalgie, et en même temps une course contre la montre. Je pense que ce sera pas la dernière fois que je ferai un morceau sur ce thème.

Notre coup de cœur, c’est le morceau « Zelda ». Tu peux nous parler de la construction de celui-là ?

c’est un morceau très personnel. Je suis un grand fan de Link’s Awakening sur Game Boy Color. Du coup, je voulais en faire un morceau et j’ai composé une prod avec des instruments et un drum qui faisait penser à un jeu vidéo. À la fin, la prod change et part vraiment en mode Game Boy. Je trouvais que l’idée correspondait bien à l’album avec Link qui est coincé dans son rêve et qui part réveiller le poisson-rêve.

On sent qu’il y a de multiples vibes dans le projet. C’est qui les artistes ou les styles qui t’inspirent pour ta musique ?

Musicalement les artistes qui m’ont inspiré sont Drake, Post Malone, Kid Cudi, Linkin Park et Eminem. Après, j’écoute tellement de tout que je dois piocher mon inspiration dans plein d’endroits. Pour l’univers, je m’inspire plus des films et des séries. Et dans l’écriture, c’est des réflexions sur la vie, des introspections.

Dans « Chaman », tu dis : « Y a des murs dans ma tête comme dans une prison norvégienne ». Pourtant, tu donnes l’impression que c’est tout l’inverse et que ton univers transpire la liberté !

Quand je parle des murs, je parle des barrières qu’on se met tout seul, des peurs qui nous bloquent. Et justement, c’est pour ça que dans ma musique, j’ouvre une porte vers l’évasion. Pour moi, rêver, c’est vivre.

Tu évoques pas mal d’éléments issus de la culture asiatique, en particulier le Japon, ce qui n’était pas forcément présent sur tes précédents projets mais qui donne une nouvelle dimension au voyage. C’est une passion plus récente ou tu n’avais pas encore eu l’occasion d’en parler ?

Je suis un grand fan des dessins animés de Myazaki. Princesse Mononoké et Le voyage de Chihiro sont des films qui m’ont profondément marqués. Le titre « Kaonashi », c’est le sans visage dans Chihiro, un être qui représente l’avidité. Sinon, oui, je trouve le Japon fascinant, sa culture, ses paysages. Et j’ai de plus en plus envie de voyager là-bas.

Cette année, tu es apparu sur la tracklist d’une mixtape 100 % strasbourgeoise, tu peux nous en dire plus ?

Oui, la mixtape Iconic créée par le label strasbourgeois Iconic. Il y a plein de pépites sur la scène strasbourgeoise et l’idée du projet était de fédérer et mettre plus de lumière sur ça. Je suis content et fier d’y avoir participé. Il y a un volume 2 qui est sorti là, je vous conseille d’aller écouter ça.

Avec la situation actuelle, peu de chance de pouvoir défendre ton album sur scène. Tu vois comment la suite au niveau de la musique ?

Oui il y a quelques concerts qui ont sautés pour ma part. C’est dur pour les professionnel de la scène en ce moment. Mais je pense que la musique trouveras toujours son chemin. Moi j’en profite pour faire composer et écrire à fond et ce n’est que partie remise. Quand tout cela sera fini il y aura surement une tournée et plein de dates.

Un énorme merci à Hotel Paradisio pour son temps et ses réponses. Pour écouter Hollymoon, c’est par ici !

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Qui est Scar Productions, la nouvelle pépite du beatmaking francophone ?

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Crédits Photo : @lou_bet / Propos recueillis par Antoine et Kevin

Débarqué dans le game il y a deux ans, Scar est un jeune producteur qui s’est rapidement fait un nom. Après de considérables collaborations avec quelques têtes d’affiche du rap francophone, il est temps de le découvrir.

Connaissez-vous le point commun entre « Chop » de Fresh, « Tout va bien » d’Alonzo et « Suavemente » de Soolking ? Oui, ils font tous partie des plus gros succès musicaux de 2022… Mais pas seulement. Derrière la popularité de ces hits, un même producteur à quatre lettres en conçoit les instrumentales. À seulement 21 ans, Scar possède un répertoire déjà bien garni.

À son actif, une soixante-dizaine de placements réalisés en un temps record. Que ce soit pour les stars du rap français, comme Gazo, JuL, Timal, Lefa, Leto, Niska, Koba LaD, Soolking, Naps, Ninho, ou pour des artistes qui montent tels que Doria, Gambino La MG, Frenetik, Fresh, Uzi, Kerchak, Olazermi, Théodore ou Tsew The Kid, Scar semble omniprésent. Le jeune homme fait même son trou sur la scène internationale ! Morad et Beny Jr (Espagne), Madd et Moro (Maroc), Dardan et Ahmad Amin (Allemagne), Capo Plaza (Italie) et même Headie One (Angleterre) font partie de ses collaborations. Il ne se passe plus un vendredi sans entendre une de ses mélodies sur l’une des nouveautés. Tout récemment, c’est sur l’album de Raplume Le soleil se lèvera à l’ouest qu’il s’est illustré. L’occasion pour nous de creuser un peu le sujet et de rencontrer l’une des figures montantes du beatmaking français.

Raplume : Peux-tu présenter ton parcours pour ceux qui ne te connaîtraient pas ?

Scar : Je suis né a Neuilly-sur-Seine mais à mes 10 ans je suis parti vivre avec ma famille à Ibiza. J’ai donc un parcours scolaire un peu atypique avec un début d’éducation en France puis un passage au système espagnol de mes 12 à mes 15 ans. Après ça, j’ai passé mon bac dans un lycée anglais à Ibiza. En ce moment je vis entre Saint-Malo et Rennes mais à l’époque, c’était pas facile étant donné que j’habitais en Espagne. Je pensais pas faire ma place en France aussi vite. Au final, avec les réseaux, j’envoyais mes prods partout et c’est tombé sur la bonne personne. J’ai créé mon petit réseau de beatmakers et j’ai énormément travaillé pour arriver là où je suis aujourd’hui.

À quand remontent tes premiers pas dans le beatmaking ? Quel rôle a joué Le Motif dans ton développement de carrière ?

Je crois qu’en 2017, j’avais téléchargé Logic Pro X dans le but de comprendre un peu la MAO, mais j’y touchais pas vraiment jusqu’à janvier 2020, quand je m’étais posé la question de ce que je voudrais faire de ma vie. À partir de ce moment là, je ne faisais que ça de mes journées. Même au lycée, je bossais sur mon ordi en faisant croire aux profs que je recherchais des choses sur leurs cours. Quelques mois après, vers avril 2020, il me semble, j’étais dans une optique d’envoyer mes prods à tous ceux qui en recherchaient. Quand je suis tombé sur une story Instagram de Le Motif qui cherchait des prods Lo-Fi, j’ai envoyé, on est entré en contact et il m’a finalement fait signer avec lui et Universal un mois et quelques après.

Quel est ton premier gros placement et comment l’as-tu obtenu ?

Mon premier placement, c’était justement Le Motif featuring Meryl (« Pour rattraper le temps »), et le deuxième, c’était Gazo featuring Tiakola (« Kassav »). On était déjà en contact avec son équipe depuis longtemps, Gazo avait 3 000 abonnés seulement sur Instagram.

Y a-t-il un rappeur avec qui la collaboration a été plus fluide, évidente que d’autres ?

La question n’est pas facile, mais en y réfléchissant un peu, je dirais qu’avec Morad, y a un vrai truc. La première fois que j’ai bossé avec lui, c’était grâce à son beatmaker SHB. On a fait quelques collaborations et il a kiffé direct. Il avait même posté le son sur Insta en nous identifiant dessus, ce qui est une belle marque de respect envers les beatmakers. Depuis, on bosse presque tous les jours avec SHB et on doit avoir plus d’une cinquantaine de morceaux pas encore sortis avec Morad.

Côté francophone, ce serait Damso que je cite souvent, mais mon placement ultime serait Don Toliver.

On te retrouve souvent avec Nardey sur les mêmes productions. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Comment fonctionnez-vous à deux ?

Avec Nardey, on s’est connecté directement sur Instagram. On était dans un groupe de beatmaking où l’on partageait des infos, des conseils… Pour faire nos premières collaborations, on s’est mis sur la plateforme Discord, où on peut partager nos écrans en même temps pour avoir une collab’ un peu plus poussée. Notre troisième ensemble, c’est « Kassav ». Et concernant notre première, Gazo avait posé dessus à l’époque mais il n’a jamais sorti le son, même s’il était incroyable ! Aujourd’hui, on bosse toujours sur Discord, c’est vraiment comme si on était en studio ensemble, c’est une superbe méthode de travail.

Tu as produit deux titres de notre nouvel album Le soleil se lèvera à l’ouest. As-tu des anecdotes particulières sur la conception de ces morceaux ?

Les titres que j’ai produit sont « Talent » de Ziak avec Nardey et Memo, et « Titanic » de So La Lune feat Beendoo Z. J’ai aussi composé le track bonus de Leith avec BKH, Heezy Lee et Le Motif. Concernant le son avec Ziak, j’ai raconté une anecdote dans le documentaire sur l’album disponible sur la chaîne YouTube Raplume. Pour So La Lune et Beendo Z par contre, je me souviens qu’Alvaro m’avait envoyé un message un soir en me disant d’envoyer des mélodies pour le feat. Le timing n’était pas bon parce que je devais partir diner avec ma copine. J’envoie le premier pack de mélodie en pensant que ça allait suffire. Je me prépare et Alvaro me redit que So et Bendo n’ont pas trouvé dedans quelque chose qui leur allait. Je refais donc un deuxième pack et m’apprête à partir mais Alvaro me dit qu’ils n’en retiennent toujours rien. Au final, j’ai envoyé plus de 100 mélodies différentes jusqu’à ce qu’ils tombent sur celle de « Titanic ». Elle datait d’il y a plus de deux ans.

Qu’est-ce que la maîtrise d’un instrument comme la guitare t’apporte dans ton travail de beatmaker ?

Je trouve que ça apporte une certaine musicalité qui peut être vite oubliée dans la musique actuelle. Les vraies guitares sont souvent remplacées par des VST et en tant que guitariste, je trouve ça assez triste. Cela n’a vraiment pas la même sonorité et on perd le côté humain. Donc en utilisant mes guitares dans mes prods, j’essaye justement de creuser l’écart entre les vraies et les VST. On peut prendre par exemple « La street » de JuL et Morad. Je crois qu’on avait jamais entendu JuL sur une vraie guitare et je trouve que ça rend le morceau assez original.

En quelques mots, comment qualifierais-tu ton style d’instrumentales ?

Je me suis jamais vraiment posé la question parce que j’ai toujours essayé d’être très versatile et composer le plus de style de productions à chaque fois. Donc justement, je dirais varié, personnel, simple et complexe.

Quel serait ton placement ultime, tous pays confondus ?

Côté francophone, ce serait Damso que je cite souvent, mais mon placement ultime serait Don Toliver ! Un peu plus compliqué d’y arriver encore – même si c’est déjà très dur pour Dems – mais ce sont sûrement les deux artistes que j’écoute le plus.

Comment vois-tu la suite de ta carrière dans le rap français ?

J’aimerais bien trouver un artiste et le produire depuis le début, monter avec lui et pouvoir prendre encore plus de risques sur ce qu’on pourrait proposer au public. Et évidement, je continuerai de bosser pour les artistes avec lesquels je suis connecté en ce moment aussi.

Aimerais-tu produire pour des artistes hors rap ?

Bien sûr et j’y pense souvent, j’ai juste pas les contacts pour l’instant. Je sais pas si on peut considérer ça « hors rap » mais j’écoute énormément de Brent Faiyaz par exemple, Jorja Smith aussi. Ce serait lourd de faire des sons « hors rap » avec des rappeurs aussi…

Les albums de beatmaker, c’est quelque chose qui te parle ?

C’est un concept qui prend de plus en plus d’ampleur en France, c’est aussi un moyen pour nous de sortir de l’ombre. Donc oui, c’est quelque chose qui me parle de fou ! Les projets communs entre un artiste et un compositeur, j’y adhère aussi. Peut-être qu’une petite mixtape Scar x Nardey pourrait arriver bientôt, qui sait…

Y a quoi dans ta playlist en ce moment ?

Beaucoup de couleurs différentes ! On passe du projet commun de Drake et 21 Savage à du So La Lune. Des sons un peu plus tristes aussi comme « De temps à autre » de Fleetzy et Nadjee ou encore « Talent » de Ziak sur l’album Raplume.

Le meilleur conseil à donner à un jeune beatmaker qui débute ?

Il y a plusieurs manières de réussir, mais si moi, je devais donner des conseils à quelqu’un qui débute ce serait : 1) être patient, en note générale. 2) soyez rigoureux, imposez-vous un certain rythme de travail. 3) prenez le temps de vous mettre à la place des personnes avec lesquelles vous interagissez. Si quelqu’un vous laisse en « vu », c’est pas forcément qu’il vous ignore, prenez du recul et réagissez pas avec vos émotions.

Dans le reste de l’actualité : Sto revient sur son passé dans « Rappelle-toi »

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Alvin Chris : « Après-Vous » – Interview

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Auteur mais aussi compositeur, Alvin Chris est avant tout un passionné de rap multi-facettes, ayant fait ses premiers pas dans le boom-bap et la multi-syllabique avant d’ouvrir sa palette artistique à d’autres sonorités. De sa musique naitra les EP « Amour Amer » en 2018 et « Enchanté » en 2020. Deux ans plus tard, l’artiste présente son nouvel EP « Après-Vous » qui synthétise ce qu’il sait faire de mieux. Intimistes et sincères, ses textes prônent la réconciliation et l’acceptation de soi, portés par des sonorités riches en influences, du RNB à la House en passant par la Funk. Rencontre avec un rappeur à la croisée des styles.

Ton nouvel EP s’appelle « Après-Vous » et sonne comme la suite logique de « Enchanté » . A quel moment l’as-tu conçu par rapport au premier ?

En fait, je les ai pensé simultanément. Le premier, c’était un ensemble de morceaux que j’avais déjà et que j’ai rassemblé. C’est un exercice qui n’est pas simple car je suis très attaché au format (EP / Mixtape / Album). Comme cette suite de morceaux me permettait de me présenter, je l’ai appelé « Enchanté » . Et celui d’après, j’ai voulu l’intituler « Après-Vous » pour mettre une esthétique autour des titres, sans forcément qu’il y ait un concept lourd à porter dans les morceaux.

Le projet s’ouvre sur « Ça m’arrange » , un morceau turn up totalement rap. Est-ce que tu te souviens de ton premier rapport à l’écriture ?

Les premiers moments où j’écrivais seul de mon côté, ça remonte au collège. C’était des écritures d’invention, des histoires… Les exercices qu’on nous faisait faire à l’école quoi, ça j’aimais bien. J’avais aussi un carnet où j’aimais bien écrire. Puis le rap est arrivé très vite, je devais être en 4ème ou 3ème. Ça me faisait kiffer d’écrire des rimes, j’écrivais même sur ma copie double.

Tu prends souvent des flows très mélodieux et on sent un vrai travail sur ta voix. A quel moment le chant est rentré dans l’équation ? Comment tu le travailles aujourd’hui ?

Si tu veux, ma construction artistique, elle est un peu bizarre (rires). J’ai toujours aimé la musique au sens large, et ma première approche avec ce domaine en tant que tel, c’est la guitare. A l’époque où je commençais à écrire, j’apprenais la guitare en parallèle et je faisais pas mal de covers. Des sons de Ben Harper, de soul, d’Alicia Keys… Mais pendant longtemps, je séparais cet aspect là de l’écriture. Pendant longtemps j’ai fait du rap, mais de manière isolée du chant et de la musique, qui sont pourtant des choses qui ont toujours été en moi. Mais avec l’évolution du rap, il y a eu un moment où j’ai eu envie de faire un pont entre les deux. Et lorsque la trap s’est installée vers 2013 – 2014, j’ai dû poser sur des BPMs plus lents qui t’obligent à mettre de la musicalité. Et c’est à ce moment là que j’ai compris que je pouvais faire un pont entre la musicalité que j’ai toujours eu au fond de moi et le rap, pour faire des morceaux qui me ressemblent.

J’ai cette exigence quand je fais des titres de « mettre un bout de mon âme dedans »

S’agissant du rap, est-ce que tu as été influencé par des rappeurs en particulier ?

Bien sûr ouais ! LE rappeur qui m’a donné envie d’écrire, c’est Youssoupha, surtout en 2007 quand je me prends « Eternel Recommencement » . Je m’identifie beaucoup à lui car c’est un mec qui est congolais comme moi, et ça me faisait kiffer d’entendre un mec avec la même identité que moi rapper en français et raconter ses histoires de « mec du bled » . Je suis aussi un grand fan de Doc Gyneco. « Première Consultation » , c’est un album qui m’a matrixé et même encore aujourd’hui. Sinon, mes bases en rap français c’est toute l’école MC Solaar, Oxmo Puccino. J’ai été biberonné à ce que certains appellent « le rap à l’ancienne » , celui des années 90. Puis ça évolue avec le reste… J’ai autant pu être inspiré par des mecs comme Booba que Orelsan, Féfé du Saïan Supa Crew… Dans la musicalité du rap américain aussi, je me retrouve beaucoup chez Anderson .Paak, Kendrick Lamar, Mac Miller, Kanye West…

Il y a un fil conducteur qui ressort de l’EP : l’acceptation de soi, notamment sur le dernier morceau. Est-ce que tu penses t’être d’avantage trouvé avec ce projet là ?

Oui bien sûr, y a ce sentiment là. Ça fait plus de 10 ans que je rap maintenant, et quand t’as rappé dans tous les sens, y a un moment où tu te demandes « qu’est-ce que j’ai à faire maintenant ? » . Et maintenant, j’ai cette exigence quand je fais des titres de « mettre un bout de mon âme dedans » . Je sais que je pourrais faire plein de morceaux, mais j’ai vraiment envie que ce que je sors soit empreint de mon état d’esprit. Et j’ai ce sentiment qu’avec ce projet là, j’ai enfin réussi à faire quelque chose qui me ressemble et qui digère toutes les influences dont je t’ai parlé. Aussi, je me pose plus vraiment de questions sur la direction artistique et je commence à faire naître la couleur que j’essaye de développer depuis longtemps.

Tout ça passe aussi par ma rencontre avec Make A Meal, qui est un producteur avec qui j’ai vraiment une très bonne alchimie, parce qu’il m’a permis de faire évoluer ma musique et d’aller artistiquement jusqu’au bout de mes envies.

Crédits Photo : Pierre-Alain Mambou

En parlant de la production, est-ce que ton processus créatif a évolué depuis cette rencontre ?

Je parle beaucoup avec lui et il sait exactement ce que j’aime. On a écouté beaucoup de prods ensemble et c’est aussi un artiste, donc il connaît mes goûts. Je lui ai beaucoup parlé de comment je faisais de la musique et qu’est-ce que j’avais envie de faire. Comme je suis aussi producteur, je peux carrément lui dire le nom du preset du synthé que j’aime dans Omnisphere. On partage beaucoup de points communs, donc il sait le genre de basse que j’aime, les textures de son qui me plaisent et qui vont bien avec ma voix… Donc nos discussions sont super techniques et à la fois y a mille façons de faire différentes. Parfois je lui envoie juste un acappella sur une production qui m’a inspirée. Parfois on est en studio, il part sur des accords qui me parlent et j’écris directement dessus, comme pour « Séquence Emotion » par exemple. On a fait l’instru la veille de l’enregistrement et c’était les dernières sessions avant qu’on rende les pistes. Donc voilà, y a vraiment pleins de façons différentes de fonctionner avec lui !

Tu sembles aussi accorder une place importante aux visuels, je pense notamment au clip de Bug et à la place de la danse dans ta musique. C’est quelque chose que tu réfléchis pas mal en amont ?

Carrément, c’est quelque chose que j’ai appris avec le temps et que j’apprends encore. Aujourd’hui la musique s’écoute en grande partie avec les yeux, et pour moi, le visuel que tu accordes à ta musique c’est comme la façon dont tu t’habilles quand tu sors de chez toi. Tu peux très bien faire le choix de ne pas y faire attention, mais dans tous les cas, on retiendra quelque chose de toi, comment t’es habillé. Donc autant essayer de s’orienter vers quelque chose qui te ressemble. Sur mes clips y a trois réalisateurs différents, mais c’est toujours des gens avec qui j’ai de très bonnes relations. En fait je fais des moodboards et je leur montre des choses auxquelles je m’identifie. Notamment le clip de Bug réalisé par Johane RIACHY, qui est une amie architecte de formation. Mais vu qu’on discutait beaucoup de l’image et que je la sentais passionnée, j’ai senti que ça pouvait donner un truc sympa. Tout ça pour dire que oui, la danse, je trouve ça cool ! Parce que mes refs c’est aussi Michael Jackson, des artistes complets. Et j’ai vraiment envie qu’à terme, toutes les petites oeuvres dans lesquelles je peux mettre mes mains puissent avoir quelque chose qui soit travaillé et sympa.

Est-ce que tu écris tes morceaux dans l’optique de la scène ?

C’est pas un aspect qui rentre en compte, mais je devrais peut-être ! Plus j’en fais et plus je me dis que je devrais y penser d’avantage, mais je préfère faire mes morceaux comme je les sens, puis les retravailler ensuite pour la scène. Parce que parfois, ce qui fonctionne sur scène ne passe pas aussi bien à l’écoute. Et tu peux aussi te priver d’un morceau qui s’écoute bien pour privilégier des sons plus « bourrins » sur scène. Or c’est pas vraiment dans mon ADN, donc je fais attention à ne pas mélanger les deux.

On note un seul featuring sur ce projet, et c’est le chanteur canadien David Campana. Comment est-ce que tu choisis tes connexions ? Est-ce que c’est des personnes que tu connaissais déjà personnellement ?

Dans ce cas là, c’est pas quelqu’un que je connaissais personnellement. J’étais en contact avec une émission au Québec, et on a dû y faire un live et une interview ensemble. J’ai parlé de la scène rap québécoise que je connais un peu et je leur avait fait comprendre que je kiffais ce qu’il s’y passait. On nous a mis en contact et je suis direct tombé sous le charme de son travail, je le trouve vraiment chant-mé, il a grave un truc. J’aime bien découvrir de nouvelles vibes et je rêve qu’il se passe au Québec un peu ce qu’il s’est passé pour Bruxelles en 2016.

Loud avait pas mal fait de bruit à un moment !

C’est vrai, y a eu un élan mais il est arrivé un peu seul. Ca aurait pu être le capitaine d’un grand raz de marée mais on sait jamais, ça va peut être se produire ! En tout cas j’avais envie de mettre en avant la scène québécoise, et c’est quelque chose qui se fait pas tant que ça finalement.

Crédits Photo : Pierre-Alain Mambou

Dans le dernier morceau du projet K.O, tu dis « peut être que ma réussite est une putain d’erreur » avant de préciser « j’ai rien réussi, c’est moi la putain d’erreur » . Est-ce que ça t’arrive encore de douter ?

Tout le temps, constamment même j’ai envie de te dire. Ma carrière avance petit à petit, mais je suis pas non plus un mec archi identifié. Maintenant, j’ai pensé cette phrase pendant les phases de doute où t’arrives à cracher sur tous tes accomplissements et où tu te dis que plus rien n’a de valeur. Et j’avais envie de mettre en relief ce truc là, parce qu’on est tout le temps biberonné à la réussite des autres, notamment avec les réseaux sociaux… C’est aussi une partie de moi que je montre pas, et que les artistes ne montrent pas non plus généralement. J’avais envie d’être sincère et de montrer aussi cet aspect là.

 J’aimerais revenir sur le morceau « Coucou c’est encore moi » de ton précédent projet, qui était devenu viral sur TikTok. Est-ce que tu t’y attendais, et est-ce que c’est un paramètre qui rentre dans ton calcul maintenant ?

C’est un morceau qui m’a beaucoup apporté, mais je suis pas un utilisateur régulier de TikTok. Après, je reste à l’affut des outils et des opportunités que ça peut engendrer. Un peu comme Twitch maintenant, je pense que les artistes devraient y aller, y a un vrai créneau ! Pour revenir à TikTok, j’étais conscient qu’il y avait un truc à faire avec, mais pas du tout que ce titre là allait faire ce qu’il a fait. A cette époque là, je sortais des vidéos toutes les semaines, des freestyles d’une minute, et lui c’était l’épisode 2. Donc c’était même pas un morceau à la base, c’est qu’après que je l’ai mis sur les plateformes. Du coup forcément, j’ai essayé de le refaire plein de fois, mais ça n’a jamais fonctionné (rires). J’ai juste accepté que ce morceau là a trouvé un public au bon moment, et c’est pas quelque chose que tu peux reproduire quand tu veux. C’est la magie d’Internet, et par définition, quelque chose de viral ne repose pas sur un calcul.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour la suite ?

Que la suite d’Après-Vous soit sortie avant l’été !

Après-Vous d’Alvin Chris est disponible sur toutes les plateformes de streaming en cliquant ici.

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Juice : Rap fleuri – Interview

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Crédits Photo : Johan Dorlipo

C’est une affaire d’abnégation. De doutes et de beaucoup de réussites. D’indépendance, aussi. Juice dévoile le 4 Mars sa nouvelle Mixtape et sa cinquième sortie, Pas de Fleurs sans Pluie, et semble plus que jamais sûr de la direction à emprunter. « On marche sous le ciel gris en espérant qu’il devienne coloré. En espérant voir des fleurs éclore sur le chemin » dit-il dans une vidéo de présentation du projet. Il n’oublie rien de ce qu’il a amené jusqu’à ce moment, son entourage qui se tient à ses côtés, la fragilité du statut de rappeur et les épreuves qu’il évoque sans détour. Pour enfin entrevoir une éclaircie ? Et alors qu’il est coutumier, sans pour autant s’y limiter, des titres festifs aux refrains accrocheurs, il annonce la Mixtape avec un clip en noir et blanc, introspectif, où il se confie sur sa peur de l’échec et ses doutes.

Tour d’horizon d’un artiste aux influences multiples, avec la rage au ventre et la tête dans les nuages.

Le choix du premier aperçu de la Mixtape, « La Lumière des Spots » est intéressant. C’est le dernier titre de l’album et pourtant le premier extrait.

C’est un format particulier. Je n’avais rien sorti depuis deux ans, et là j’envoie un son qui n’a pas de refrain, un peu conceptuel. Comme ça faisait longtemps que je n’étais pas là, je ne voulais pas revenir avec un son au format classique : refrain, couplet, du type single. Je voulais mettre un petit teaser sur le retour. Et quel meilleur morceau pour introduire le projet que celui qui le clôture ?

C’est une démarche presque risquée. Tu aurais pu sortir un gros tube, et il y en a sur l’album. Mais tu as pris le risque de faire autre chose.

Le retour, je le voulais sur un format court et particulier. Je ne comptais même pas mettre le clip sur YouTube de base.

Cette Mixtape semble dans le prolongement de ton EP Shadow, en termes de production et de textes. Même au niveau de l’esthétique.

C’est à la fois voulu et pas voulu. Pas voulu car je me différencie vraiment de Shadow. Le contraste avec Shadow est à faire avec Guayaba, qui était très « été » alors que Shadow était plus « Rap », plus froid. Il y a un peu d’influence de chacun de ces projets sur ce que j’ai fait ensuite, mais pour moi cette Mixtape n’a plus rien à voir avec Shadow. On sort complètement de ça, même si elle est liée à tout ce que j’ai fait avant.

Et ce qui l’illustre est le son « Blow ». Il y a du chant, des moments rappés, c’est un titre où tu dis des choses plus personnelles, peut-être plus que sur les précédentes sorties. Pourquoi est-ce que tu fais cette Mixtape-là, à ce moment de ta carrière ? Qu’est-ce qu’elle signifie pour toi ?

Elle tranche avec les autres à plusieurs niveaux. D’abord dans mon aisance et ma connaissance de moi-même, de ce que je fais. J’ai progressé là-dessus. Je sais ce que je veux faire et ce que je ne veux pas faire, en termes de musique et pour ma carrière. J’ai l’impression que mes projets précédents étaient du brouillon et de l’échauffement. Là ce sera le projet sur lequel j’ai le moins de doutes sur ce que je propose. A partir de cette sortie, il y a eu un changement dans ma manière de travailler. Avant je bossais en flux tendu. Je sortais presque tout ce que je faisais. Là je suis dans un rapport inverse. Je sors seize sons mais j’ai dû en faire 40 ou 45.

Ça veut dire que tu as tenté plus de choses que sur les sorties précédentes ?

Oui, je pense. Ça vient du fait que j’ai l’impression d’avoir trouvé une porte dans ma direction artistique. Je ne me cherche plus autant qu’avant.

Même après cinq sorties, tu ne sais pas encore trop où tu vas ?

Si, c’est maintenant que ça commence. Le concept des Multifruits était « j’aime tout faire donc je fais un peu de tout ». J’avais du mal à mettre des mots sur ma direction artistique et sur ce que je faisais, quel type de son je produisais. Je me trouve de plus en plus, mais c’est normal que tout ça prenne du temps.

Justement, par rapport à ces changements : cet album est assez sombre, au niveau des thèmes, après un début de carrière assez festif et plus ouvert. Qu’est-ce qu’il s’est passé entre temps, dans ta vie et dans ta carrière de rappeur pour arriver à cette évolution ?

Au début, il y avait peut-être la naïveté de faire du son et de voir ce que ça allait donner, sans trop réfléchir derrière. Après ma première sortie, je me suis rendu compte qu’il se passait quelque chose, j’ai connu un joli succès d’estime. J’enchaîne avec un deuxième projet, qui a plutôt bien marché, à mon échelle. J’ai pu faire des concerts. Le fait que ça devienne professionnalisant t’offre un nouveau regard sur ta carrière d’artiste.

Au début tu ne voyais pas une carrière dans le Rap, c’est ça ?

Il faut savoir que je rêve d’être rappeur depuis que j’ai huit ans (rires). Mais quand j’ai envoyé Multifruits, c’était vraiment juste du kiff, pas de réflexion. On l’a fait avec Yvick, tous les deux en studio. Je choisissais des prods, et il m’enregistrait parce que je ne savais pas m’enregistrer à l’époque. Et ce qui sortait était brut. Je faisais des trucs festifs, sans vraie réflexion artistique, mais en même temps il n’y avait pas d’attente. Un jour je me suis réveillé un matin et un mec sur Twitter m’écrit « trop lourd le projet », mais moi je ne savais même pas qu’il était sorti. On en était à ce niveau de battage des couilles.

C’était ton école : tu as essayé plein de choses, et finalement ça t’a servi car on retrouve des influences de Multifruits sur cette nouvelle Mixtape. Du coup quelle a été la direction artistique ?

Il n’y en a pas forcément une. Ma démarche, et ça va peut-être paraître un peu banal de dire ça, mais ça a toujours été de parler de ce que je vis, de ce qu’il se passe dans ma tête, avec un petit peu de romance, bien sûr, sur certains sons. Je ne me suis pas dit « Ok, je vais créer ça » et c’est pour ça que je n’ai pas vraiment envie d’appeler cette Mixtape un « album ». De base je voulais sortir un EP 10 titres et j’ai rajouté des sons, avec une intro et d’autres titres, et des liens entre les chansons. Je pourrais appeler ça un album mais ma démarche n’était pas « album » à la base. Mais que je fasse une Mixtape ou un EP 5 titres, je trouve important qu’il y ait du lien entre mes sons.

Ça se ressent, sur « Peu de Love ». Le titre crée une rupture dans le projet, et il arrive après une longue période d’introspection.

C’est voulu. Il y a un concept de lien, avec une meuf, qui revient régulièrement, notamment sur « Augmente », où je l’introduis, en lui promettant des choses. Sur « Adrénaline » et « Cœur Froid » je lui dis que j’ai du mal à l’emmener où je voudrais. Et « Tic-Tac », c’est la relation qui devient terne, qui s’étiole. Le réveil de fin signifie le déclic, puis arrive « Peu de Love » et « Calls », où je regrette, sans la fille.

Justement sur « Peu de Love », tu as l’air plus énervé, ton flow évolue, il y a des ruptures, des changements et des ad-libs. Il y a beaucoup de nuances. Comment as-tu travaillé ce titre ?

J’ai travaillé dessus avec Basile Peter. C’est lui qui a fait « Tic-Tac » aussi par exemple. On a fait une session où je lui disais que j’avais envie de rapper et de faire un banger. J’avais toutes les idées pendant la session, je suis rentré chez moi, me suis mis dans mon home studio et ai posé direct. Le truc fait archi travaillé, élaboré, mais c’est plus dans le mix et les effets que dans le texte, car là c’était instinctif. En revanche sur le mix avec Tyrax on s’est bien pris la tête parce qu’on voulait que ça ressorte bien, et j’adore faire ça.

J’ai beaucoup de choses à dire sur moi mais je n’arrive pas à les dire autrement qu’en musique

C’est toi qui travaille tes mix ?

Mon processus de création a changé à ce niveau-là aussi. Je ne prends plus trop des prods qu’on m’envoie, même si ça m’arrive parfois. Je commence à apprécier les sessions studio où j’arrive avec une idée en tête et où on crée quelque chose ensemble. Je fais des toplines ou j’écris direct. La deuxième étape dans laquelle je suis très impliqué est le mix. Je mixe totalement certains titres, mais comme je ne suis pas ingé son, j’envoie certains tracks au mix mais je leur propose une version déjà pré-mixée très précise. Je dois faire partie de la caste des immenses casse-couilles là-dessus. Dès que j’entends des trucs qui ne sonnent pas exactement comme je veux, j’essaye de les corriger. Dès que je commence et écris, je sais ce que je veux à quel endroit et « Peu de Love » est la bonne illustration.

Dès l’intro, tu annonces en effet dans quelle direction tu vas aller. Tu dis « je peux faire péter des nuques et te faire danser la samba ». Tu te situes souvent entre ces deux extrêmes. Est-ce que c’est intentionnel ou c’est un fil rouge ?

Je me laisse porter par ce que je veux faire. Le fait que je joue sur les deux plans n’est pas intentionnel, c’est qui sort de moi. Je ne me limite pas : si j’aime faire quelque chose, je le fais. C’est avec cet album que j’ai commencé à comprendre la dimension « intro ». L’intro est le dernier track que j’ai fait. Je ne faisais que bouger la tracklist et je me suis rendu compte qu’il manquait une introduction.

C’est logique que tu l’aies faite en dernier, car elle résume tout.

Parce que je savais de quoi allait parler le projet. C’est aussi le cas de l’outro qui résume la Mixtape d’une autre manière, plus posée, plus calme, avec un peu plus de questionnements que dans l’intro où je suis plus sûr de moi.

Tu parles beaucoup du temps qui passe sur cette Mixtape. Sur « Cœur Froid », tu rappes : « où est-ce que je serai dans trois ans ? ». Tu te demandes si tu seras sur le podium ou sur le bas-côté. Est-ce que cette notion de temps est importante pour toi ?

Carrément. Il y a cette réflexion de « j’en suis à mon cinquième projet et il faut que ça passe un cap ». J’ai bientôt trente piges, la vie à côté passe et c’est la belle vie d’être en mode artiste, d’être libre de faire ce que tu veux, mais à un moment tu te retrouves forcément face à la réalité : il faut payer les factures, il faut songer à l’avenir, etc. Tu passes par tous ces questionnements, parce qu’on est conditionnés à ça. Même si je ne suis pas en train de dire que je veux m’acheter une maison en banlieue, avoir un chien et des enfants tout de suite, ce sont des réflexions qui rentrent en compte surtout dans une société où on te rappelle souvent tout ça. Quand tu es avec des potes qui ont des taffs « normaux », ou que tu vis avec quelqu’un ou avec ta famille, tu peux parfois ressentir que t’es sur un chemin sinueux. Mais faut s’armer de patience, et surtout apprécier le chemin, l’arrivée n’en sera que plus belle.

Tu dis aussi des choses personnelles, mais qui peuvent trouver un écho chez les autres. En racontant ton histoire, tu racontes celle des autres.

Après « Rêves 2 » sur Multifruits 2, plein de gens m’ont fait ce genre de retour, alors qu’ils sont étudiants ou n’ont pas le même métier que moi. Ils me disent que ce titre et ce que je dis dessus leur parle et j’avoue que ce genre de retour est très touchant.

Est-ce que ça t’étonne ?

Au début, oui. Parce que je me demandais pourquoi ce texte faisait écho à tant de gens, car je n’y parlais que de moi. Mais j’ai fini par comprendre que, comme moi à l’époque, les rêves de gamin sont parfois refoulés chez beaucoup de gens, quoi que tu choisisses comme voie. Ça fait plaisir de savoir que tu réveilles certains instincts chez des gens. Quand ils me disent « je voulais me lancer dans ça et ton son m’a fait réfléchir et je me suis dit « let’s go » », je me dis qu’il y a un vrai impact. Après peut-être qu’il y a un mec au chômage à cause de moi (rires).

Crédits Photo : Faïd Hadji

Sur la tracklist, il y a un son avec Yvick. Tu as déjà fait des sons avec lui, mais ils étaient plus lumineux. Sur « Miroir », vous parlez de faiblesse, de solitude, de dépression. Est-ce que ce contrepied était intentionnel ?

Non, ça s’est vraiment fait dans l’instant. La prod est arrivée très vite. On a fait ça avec Geronimo Beats et Tigri, qui sont des tueurs. On était en studio toute la nuit. Eux ont taffé les vingt premières minutes et après on était en mode enregistrement et écriture. Ce sont des thèmes qui viennent de manière récurrente. Le refrain est venu tout de suite et j’ai voulu mettre des paroles dessus direct. J’ai commencé à écrire en premier, et ça un peu donné la direction et le thème, mais je n’ai pas dit à Yvick quoi écrire.

Cette envie de parler de choses sombres et profondes commence à prendre de plus en plus de place dans le monde du Rap. Il y a beaucoup de vulnérabilité dans certaines sorties aujourd’hui, et dans ta Mixtape également. Est-ce que c’est quelque chose auquel tu penses ?

Oui, et je crois que j’ai parfois tendance à plus me focaliser sur les échecs que sur mes victoires car j’ai envie d’apprendre. Je me dis « Ok, c’est fait, à quand la prochaine victoire ? ». Après je fais tout au feeling. J’ai écrit une partie du projet sous confinement. Puis il y a eu une période de ma vie et de ma carrière où je ne savais pas trop où j’allais, je n’étais pas sûr de ma musique. Ça se ressent dans la Mixtape, mais il y aussi cent pour cent de chance que quand les beaux jours reviennent et que ça aille mieux, je ressorte des sons plus festifs. Ça va même arriver cet été.

Justement, sur « Spectres », un des sons les plus sombres de l’album, tu dis « on pense qu’à gâcher nos vies en pensant qu’on dormira mieux ». Est-ce que tu dirais que ce son-là représente la Mixtape ou juste l’état d’esprit dans lequel tu l’as écrite ?

Il faut prendre ce son-là comme la suite du mec qui est énervé sur « Peu de Love », et qui regrette sur « Calls ». Sur « Paradoxe », il commence à phaser un peu et sur « Spectres », il fait le contraire de l’apologie de la boisson. « Spectres » est le point le plus bas de ce gars. Mais c’est juste un passage de l’album qui illustre totalement ce truc de « bad » complet. « Après l’Orage », c’est le retour de l’éclaircie et « Crésus » est carrément festif dans les sonorités. Au début du projet, je suis très déterminé. Puis cette relation arrive et me fait un peu tomber. Et à la fin je reviens à la raison, j’ai l’impression d’être plus posé.

Cette progression, on la ressent sur « La Lumière des Spots ». Sur ce titre, tu parles de ton héritage, de ton futur fils, de remplir des stades… Et on a l’impression que c’est une ouverture vers quelque chose de positif. Comme si tout l’album t’avait servi à réfléchir sur ce que tu voulais vraiment.

C’est exactement ça, cette réflexion sur ce que je veux. Au début je n’en suis pas certain, mais après je sais vers quoi je vais. Et même si je ne suis pas sûr de l’avoir, je fais tout pour y arriver. Pour revenir sur le titre de la Mixtape, Pas de Fleurs Sans Pluie, j’ai bien compris que je n’atteindrai pas mes objectifs sans galérer et passer par des moments sombres, donc qu’il n’y a pas de fleurs sans pluie. J’accepte cette pluie parce que je sais, du moins j’espère, qu’elle amènera des fleurs par la suite.

Justement, ce que tu dis fait penser à un son de Shadow, « Cauchemar ». Tu y disais que tu espérais que le Rap allait soigner tes blessures. Est-ce que cette Mixtape est un moyen de faire ça ?

Je pense que non. Tu le vois dans l’album, je suis encore plein de doutes et de blessures. Je vais faire une phrase de rappeur un peu bateau mais c’est une thérapie d’écrire sur ses problèmes. Ce sont les seuls moments où je me livre vraiment. Je ne parle jamais de ça en face à face avec les gens. C’est en ça que je dis que si le Rap ne m’apporte pas ce que je recherche, j’espère au moins qu’il aura fait office de « psychologue ». J’ai beaucoup de choses à dire sur moi mais je n’arrive pas à les dire autrement qu’en musique.

Un autre thème est récurrent dans l’album : ton entourage du MQEEBD (Tortoz, Yvick, Samy et toutes les personnes affiliées). Ils semblent avoir une énorme importance pour toi et ta carrière. Comment est-ce que vous travaillez ensemble ?

On fait tous notre truc de notre côté et quand il y a besoin d’un avis, on demande en premier lieu à ce groupe-là. Les deux seules fois où on a vraiment travaillé en équipe étaient pour l’album MVP d’Yvick et sa réédition. On a fait des séminaires où on était tous les quatre dans une maison avec des compos qui passaient. Le MQEEBD est très important et il est plus large qu’Yvick, Tortoz et Samy, les têtes connues. Ce sont mes reufs, les gens avec qui j’ai grandi à Grenoble. C’est un socle pour ma carrière et surtout dans ma vie perso. C’est un thème vital qui reviendra forcément.

Un autre thème est le fait que tu parles ouvertement du fait d’être connu, d’avoir une audience, mais qu’en même temps tu dois te battre pour exister en tant qu’artiste. Comme s’il y avait un côté presque schizophrène. Sur tes réseaux tu fais plein de blague et tu arrives avec un album dont les thèmes sont parfois sombres. Comment est-ce tu jongles entre ces deux facettes-là ?

Je ne sais pas trop comment je jongle avec ça. Je n’ai pas envie d’arrêter de faire le con sur les réseaux, ça m’amuse et je kiffe faire rire les gens. Si je sais que j’arrive à faire rire quelqu’un, c’est du bonheur apporté, c’est lourd. D’un autre côté je n’ai pas envie juste parce que je suis marrant en story, de devoir faire de la musique qui corresponde à une image de mec drôle. Et inversement. J’avais lu une interview de Tyler, The Creator, qui disait qu’on a commencé à le prendre au sérieux dans la musique au moment où il a arrêté de faire le con sur les réseaux. La phrase m’a marqué parce que j’avais l’impression qu’il parlait de moi. J’ai eu une période où je ne mettais plus de vannes sur les réseaux. Mais ça ne me convenait pas, ni à moi ni aux gens qui me suivent.

J’accepte cette pluie parce que je sais, du moins j’espère, qu’elle amènera des fleurs par la suite

Tes influences semblent plus américaines que françaises. Les américains ont beaucoup fait d’albums concepts, et cette Mixtape en est un, finalement. Est-ce que tu avais ça en tête au moment de la faire ?

Je ne l’avais pas en tête car je réfléchis très peu les choses en les faisant, finalement. Je ne me suis pas dit que j’allais rendre hommage aux albums concepts, car je suis tellement influencé par ça de base que ça coule de source. Pour moi, un album n’est pas autre chose qu’un truc un minimum conceptualisé. Aujourd’hui j’ai presque l’impression que tout le monde sort des Mixtapes, comme si juste les gens de ma génération sont encore dans le délire « album à l’ancienne » : les Laylow, Jazzy Bazz etc, mais ce n’est plus la norme. Quand tu écoutes 50Cent par exemple, il y a une direction artistique qui fait que ses deux premiers albums sont très différents, et tu le sens.

Est-ce que c’est important pour toi, de te réinventer comme ça ?

Je pense que c’est important pour tout artiste de se réinventer. Plus que de la réinvention, c’est un besoin de ne pas stagner, de ne pas rester dans sa zone de confort. En fait le bon mot est plutôt « évoluer ». Et je pense que c’est cette recherche d’évolution et cette curiosité de tester des nouvelles choses qui garde la flamme des artistes allumée. Si tu fais la même chose tout le temps, tu finis par te faire chier. Après selon moi, c’est tout aussi important de rester fidèle à soi-même, c’est à dire chercher à évoluer, à prendre des risques mais toujours en s’écoutant. Si tu prends l’exemple avec la fameuse Drill depuis qu’elle est arrivée en France, je pense que c’est très bien que des artistes tentent des choses et essayent de créer là-dedans s’ils en ont envie, ça reste de la musique donc le but c’est de kiffer, mais je suis un peu contre la démarche de « gars il faut faire de la drill (ou faire n’importe quel type de son) parce que ça marche bien« . C’est pas naturel comme démarche. Le but c’est que ton art attire les gens, pas que tu fasses ton art pour plaire aux gens, mais c’est mon point de vue, personne n’a raison ou tort la dessus. Le plus important à mes yeux c’est que la musique que tu fais ne soit pas forcée, qu’elle coule naturellement. Et de rester fidèle à soi-même.

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